"Museo Atlantico" et la représentation artistique

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Jason deCaires Taylor, 2016. 

       Un effet tragique de la migration par bateau, ce sont des taux de naufrages et de vies perdues bouleversants. Il y a plusieurs moyens d’exprimer cette crise humanitaire, par exemple avec des projets littéraires, cinématiques ou artistiques. Ce troisième objet s’appelle Le Museo Atlantico, de Jason deCaires Taylor. C’est un projet de sculptures, créés avec des moules des vraies personnes, qui sont finalement installées sous l’eau. Le musée se trouve sur la côte de Lanzarote, une île des Canaries espagnoles, près de l’Afrique de l’ouest. C’est un lieu où il y a eu beaucoup de morts des migrants qui essayaient de traverser la mer. Les sculptures elles-mêmes dureront trois cent ans, donc plusieurs générations peuvent les voir et les étudier. C’est un projet visuel qui a un message pertinent et qui sensibilise le public à la tragédie des morts en mer causés par des migrations dangereuses. Cette œuvre est liée à la question de la visibilité des migrants ; comment honorer les innocents qui ont perdu la vie ?

        Le film et la littérature présentent d’autres moyens de donner la voix et la visibilité à des populations qui traversent la mer, ce lieu clé qui représente à la fois le danger et un espace d’espoir. Le film Harragas (2009) de Merzak Allouache montre une expérience désespérée de la migration clandestine. Trois amis algériens deviennent “harragas” en brûlant leurs papiers d’identité pour faire le voyage dangereux en Espagne pour trouver des postes et une meilleure vie. On voit toutes les difficultés du voyage, les hiérarchies qui existent entre les migrants, le manque de choix et la violence extrême. Pendant la traversée, la mer devient une vaste cimetière quand trois hommes se noient. Pour les migrants, l’Espagne est “le paradis sur terre,” mais même pour les trois qui arrivent à la côte, la réalité est dure. Ils sont expulsés par des autorités juste après leur arrivée. Ils avaient traversé la mer, une grande barrière naturelle, mais ils ont encore des obstacles. Un documentaire, Fuocoammare (2016) de Gianfranco Rosi, montre la crise des migrants en mer près de Lampedusa, les efforts de les sauver et la juxtaposition entre leurs expériences et la vie quotidienne des habitants de l’île. Le film commence avec cette statistique : 15,000 personnes sont morts pendant des tentatives de migration vers la Sicile. Les migrants sont en grande partie invisibles pour les Italiens qui continuent à vivre normalement. Mais le film montre que, pendant ce temps, les équipes sauvent des migrants de la mer. Ils inspectent chaque personne, ils prennent des photos des personnes avec des cartes numérotées et ils mettent des cadavres dans de grands sacs, tout ce qui contribue à une expérience déshumanisante pour ces migrants qui souffrent déjà et qui n’ont pas souvent la capacité de s’exprimer à cause de la barrière de la langue. On voit les hiérarchies sociales et raciales claires dans le fait que c’est souvent des blancs qui sauvent les migrants tandis que les migrants sont souvent des personnes de couleur. Une œuvre de Maylis de Kerangal, à ce stade de la nuit, traite aussi de cette tragédie du naufrage d’un bateau qui transportait des migrants à Lampedusa. En écoutant les nouvelles, la narratrice questionne la nature de la visibilité des migrants. Sans images distinctes des individus qui ont perdu la vie, elle considère la foule des migrants, ce qui souligne leur manque d’individualité dans la conscience publique. de Kerangal décrit l’importance de la mer comme lieu qui incarne beaucoup de mouvements et de processus. La mer peut transporter les produits et les humains, elle peut représenter la liberté ou l’opportunité, mais avec tant de morts pendant les traversées migratoires, la mer peut aussi être une cimetière dangereuse, “peuplée de cadavres, hantée de fantômes” (de Kerangal, p. 66). La narratrice pense à la leçon de Gilles Clément dans laquelle il expliquait que les paysages sont liés à la mémoire. Elle écrit, “j’aime l’idée que l’expérience de la mémoire, autrement dit l’action de se remémorer, transforme les lieux en paysage, métamorphose les espaces illisibles en récit” (p. 52-53). C’est dans un sens ce que Taylor fait quand il crée des sculptures des êtres humains pour changer le paysage des mers qu’ils ont traversées. Avec ces monuments, il assure qu’on n’oubliera pas ceux qui ont tout risqué et qui ont parfois perdu la vie, pour accéder à une autre.

"Museo Atlantico" et la représentation artistique