Conclusions
Dans ses deux états simultanés de proximité et d’exclusion, la banlieue parisienne représente la « frontière élargie » évoquée par Agier (33), caractérisée par une liminalité face aux sociétés qu’elles bordent. La géographie civile des cartes évoque ce concept : la banlieue, à la fois hyper-surveillée par la police et isolée par le dessin du réseau du métro, se trouve nécessairement ancrée au centre par la relation dominatrice mais empêchée de s’y intégrer comme territoire égale. Ainsi, les migrants qui habitent en banlieue—spécifiquement la communauté de Saint-Denis avec sa grande population musulmane—représentent les « hommes/femmes-frontières » d’Agier (33), hors de la société parisienne mais intégrale à sa fonction. Les paroles de « Racailles » évoquent l’exploitation de la main-d’œuvre banlieusarde—beaucoup comme la relation entre les colons et les colonisés—qui enrichit le centre-ville à sa propre coût. L’histoire de Yacine montre la manière dont ces gens sont jetables dans les yeux de la police, rappelant la nécropolitique et la sous-humanité qui caractérise le rôle des migrants dans le système capitaliste. La conception de la banlieue comme frontière élargie engendre une nouvelle image de la territoire parisienne dans l’imaginaire des migrants. Le « rêve » de Paris—comme celui dans les histoires racontées par Momo aux migrants dans Cannibales—est brisé par sa réalité d’exclusion et de marginalisation. Dans cette manière, Paris ne conforme pas à son image globale romantique, mais plutôt à l’image d’une ville comme Calais, impénétrable à cause des murs conceptuels (mais pas moins sécurisés) qui l’entourent, la banlieue ainsi comme un camp.