« L’autre Paris » : La banlieue et la frontière

Dans son journal La vie extérieure, 1993-1999, l’écrivaine Annie Ernaux raconte ses observations d’une manifestation étudiante qui se passe dans la banlieue de Paris : « Aujourd’hui, les lycéens manifestaient. Seulement les gentils. Pour empêcher les mauvais, les casseurs, de se joindre à eux, on avait déployé des forces de police dans les stations de métro et de RER des gars de banlieue. Cordon sanitaire entre les hordes lointaines de barbares et les jeunes gens sérieux, propres, au centre de Paris. » (119) Son image de la relation entre le centre-ville et la banlieue—la périphérie urbaine—est celle d’une tension et d’une méfiance, celle-ci interprétée par celui-là comme une armée envahissante hors des murs. Même vingt ans après, cette relation se maintient : les réalités vécues par les habitants de la banlieue se déroulent dans le contexte d’un écart socio-économique qui se manifeste dans l’inégalité des revenus, l’oppression policière, et la justice inachevée. Ce déséquilibre a une corrélation avec la nationalité et le statut d’immigration : la banlieue parisienne se compose d’une population dont au moins 25% des gens sont des migrants, et 57% ont un migrant comme parent (Institut national de la statistique et des études économiques, 2006). Cette réalité démographique fait de la banlieue parisienne un microcosme des conflits migratoires plus larges dans le monde, reflétant une altérité subite par les gens qui migrent et créant de la banlieue un « autre Paris », comme a écrit journaliste Tanvi Misra (« The Othered Paris, » Citylab, 2017). Dans la construction de l’autre—reflétée dans l’extrait d’Ernaux par la déshumanisation des « hordes » de banlieusards—les communautés qui entourent Paris constituent, comme a écrit Léopold Lambert dans son article « The Banlieue Archipelago: Cartographic Inventory of the Cités Around Paris, » un « archipel d’exclusion sociale » caractérisé à la fois par la domination du centre et le renvoi des banlieusards de la société parisienne. Tenant en compte son rapport avec la migration, comment la relation entre le centre et la banlieue de Paris reflète-elle les grands thèmes de l’expérience migratoire ? Considérant ce concept d’un « archipel », comment est conçu le « territoire » de la banlieue face au centre qu’elle entoure ?

Credits

Tyler A Simeone