L’Humanisation à partir des idées des super-héros refugiés : La publicité de Under Armour avec Yusra Mardini

Traduction de la publicité : « Je ne devrais pas être en vie aujourd'hui. J'aurais dû être l'un des nombreux visages des réfugiés décédés sur le chemin. Mais je suis ici, en vie, parce que j'ai continué à avancer. Tant de choses ont essayé de m'arrêter. Tant de fois quelque chose a murmuré : Maintenant ceci, ceci va vous vaincre. Mais j'ai continué à avancer. Avancer quand j'ai laissé ma famille derrière. Avancer à travers la mer. Avancer dans des bateaux, à travers les vagues. Et maintenant, quand mon épuisement augmente, je m'en souviens. Et ma force monte plus haut. Il dit : des plus grandes choses que cela ont essayé de m'arrêter. Et je continue d'avancer. »

           

Contrairement à l'image d'Aylan Kurdi, cette publicité de Under Armour illustre un réfugié non pas comme une victime, mais comme un super-héros. Il raconte l'histoire de Yusra Mardini, une jeune femme syrienne qui s'est enfuie en Allemagne après la guerre civile syrienne et qui a utilisé son entraînement de natation pour survivre à un naufrage sur le passage. Elle a rejoint l'équipe olympique des réfugiés pour les Jeux olympiques de 2016 à Rio, et son incroyable histoire est devenue célèbre. Depuis, elle a publié une autobiographie et il est prévu de faire un film sur elle. Elle est également devenue porte-parole d’Under Armour, qui tire profit de son histoire inspirante et espère probablement que cette histoire pourrait donner un nouveau visage à la crise des réfugiés. Certes, son histoire est remarquable et montre une force et un courage incroyables, et cette représentation contraste avec d’autres représentations qui décrivent parfois les réfugiés comme des ennemis ou des victimes impuissantes.

Cependant, ce genre de représentation peut également déshumaniser les réfugiés et les migrants en créant accidentellement l'image d'un réfugié « idéal » qui est fort, articulé, productif et donc méritant de l'aide. Lorsque ces histoires des « super-héros » sont si glorifiées, il existe une comparaison implicite inévitable avec d'autres réfugiés ou migrants dont les histoires sont moins remarquables, inspirantes ou satisfaisants aux yeux occidentaux. Cela ne veut pas dire que certains gens sont en réalité plus ou moins méritants de l’aide, ni que c’est le message délibéré de ce genre de publicité, mais cela peut être un message imprévu si les raconteurs ne font pas attention. Cela peut devenir un problème d'inclusion et d'exclusion, dans lequel certaines personnes sont magnifiées et des autres sont laissées invisibles et marginalisées.

L'histoire de Yusra Mardini a des liens évidents avec l'histoire fictive de Bilal, un migrant irakien à Calais, dans le film Welcome de Philippe Lioret (2009). Dans le film, Bilal s'entraîne avec Simon, un instructeur français de natation, à traverser la Manche. On espère que cette histoire se terminera dans une manière inspirante et satisfaisante, avec Bilal comme un « super-héros » couronné de succès, comme Yusra Mardini. Mais finalement, Bilal meurt à 800 m des côtes de l’Angleterre en essayant d’éviter la vue des garde-côtes anglais. C'est dévastateur, mais la tragédie d’avoir « presque réussi » est malheureusement souvent la réalité de la crise. Il est certes important de raconter des histoires inspirantes et d’encouragement, mais ces histoires ne doivent pas impliquer une « héroïsme » nécessaire pour mériter une attention ou une aide, ou se faire au détriment de la suppression des « nombreux visages des réfugiés décédés sur le chemin », comme Yusra Mardini dit dans la publicité.

En plus d’effacer potentiellement les récits d’autres réfugiés et migrants, il est important que les récits de ces « super-héros » ne diminuent pas la nuance de la vie de ces héros eux-mêmes. L'Attentat de Yasmina Khadra et Par le feu de Tahar Ben Jelloun décrivent tous les deux des personnages idolâtrés et transformés en héros dans leurs propres communautés pour leur résistance aux pouvoirs oppressifs, mais dans les deux récits, les auteurs décrivent en détail le passé des personnages, avec tous les défauts et la gamme d'émotion qui font un être humain réel. Comme les sœurs de Mohamed disent à la fin de Par le feu quand un producteur de cinéma veut acheter son histoire de s’allumer par le feu pour déclencher la révolution tunisienne: « Quelle horreur, quelle horreur absolue! L’histoire de Mohamed n’appartient à personne; c’est l’histoire d’un homme simple, c’est-à-dire des millions, qui, à force d’être écrasé, humilié, nié dans sa vie, a fini de devenir l’étincelle qui embrasse le monde. Jamais personne ne lui volera sa mort » (Ben Jelloun, p. 50). En fait, raconter ces histoires des « super-héros » peut élever le protagoniste au-delà du statut d'humain, au point qu'il est déshumanisé non pas en tant qu’un sous-humain mais en tant qu’un surhumain. Le martyrisme, la glorification et la diabolisation des kamikazes par les différents personnages dans L'Attentat montrent une conséquence possible de cette déshumanisation : l'histoire et la personne de Sihem avaient des racines profondes et complexes, mais les deux côtés du conflit ont choisi de se concentrer uniquement sur les pièces qui correspondent à leurs besoins.

L’Humanisation à partir des idées des super-héros refugiés : La publicité de Under Armour avec Yusra Mardini