L’Humanisation à partir des images individues et personnelles : « Rêve d’humanité », une exposition des photos organisée par Reza à Paris
Alors que les représentations précédentes des réfugiés étaient perçues par des étrangers, l'exposition « Rêve d'Humanité » organisée par le photographe franco-iranien Reza à Paris (2015) consiste d’une collection de photographies prises par des enfants réfugiés eux-mêmes, dans un camp de Kurdistan irakien. L'exposition était sur les rives de la Seine, avec sept mots clés: « hospitalité, amitié, dignité, solidarité, respect, paix et espoir, » qui sont les « valeurs universelles » qui « lient les humains », selon Reza (Dumser, 2015). Son but était de « susciter de l’empathie » sans le « misérabilisme », ce qui relie cette œuvre aux items précédents, qui visaient également à susciter de l’empathie de manières différentes (Dumser, 2015). Dans cette vidéo, qui est un entretien de France 24 avec le photographe, Reza explique ce projet d'éducation et d'art. Dans le camp de réfugiés, il a enseigné la photographie et donné des appareils photo à une vingtaine d'enfants afin de les aider à s'exprimer et à devenir des analystes de leur propre situation. De cette manière, ils créent leur propre représentation et ne sont pas demandés à faire du sensationnalisme. Reza espérait changer leur destin en leur donnant une éducation, et il leur dit: « Je ne suis pas venu ici pour vous apprendre la photographie. Je suis venu ici pour vous amener donner un outil avec laquelle vous pouvez parler, et vous expliquez au monde entier parce que c’est une langage universel. Avec ça vous pouvez parler au monde » (France 24, 2015). De cette manière, le projet de Reza semble réaliser la tâche difficile de représenter des histoires des réfugiés ou des migrants tout en maintenant, voire en élevant l'humanité des sujets de ces histoires, car ils sont aussi des raconteurs.
Ces images racontent des histoires que les photojournalistes externes ne pourraient ou ne devraient pas saisir, car les enfants photographes capturent simplement des images de leur propre vie. Les photojournalistes de réfugiés rencontrent des limites éthiques et doivent ne pas mettre en danger ni exploiter leurs sujets, en particulier les enfants, mais le fait de retirer des visages et des personnes de ces histoires risque de déshumaniser la crise. En revanche, ces enfants photographes vont naturellement au-delà de ces frontières. S'il s'agisse d'une photo de chaussures congelées, d'un rocher suspendu dans les airs ou de deux jeunes enfants qui s'embrassent, leurs images montrent à la fois l'innocence et la lutte, toutes du « regard des enfants ». Le résultat est que leurs histoires sont racontées avec plus d'authenticité, d'honnêteté et de nuance, et que leurs luttes sont mises en valeur sans diminuer leur enfance ou leur humanité.
L’idée que des réfugiés ou des migrants peuvent raconter leurs propres histoires n’est pas nouvelle et plusieurs œuvres mettent en lumière la diversité de leurs voix et de leurs histoires. Dans Cannibales de Mahi Binebine, le groupe divers de personnages voyageant ensemble provient des pays, des cultures, des religions, des sexes, des âges et des histoires personnelles différents. Ils sont unis mais pas du tout identiques. Cette structure de caractère est similaire dans Choc des civilisations par un ascenseur Piazza Vittorio de Amara Lakhous, où il y a aussi un groupe divers habitant ensemble dans un quartier multiethnique en Italie. Le roman policier, dans laquelle chaque chapitre a un narrateur différent, démontre l’importance des malentendus, des nuances des expériences individuelles, et de comprendre les histoires des autres. On voit comment la vérité peut être subjective et pourquoi on doit écouter des perspectives différentes des nôtres. C’est un peu comme cette exposition de photos, dans laquelle les différentes perspectives et expériences de vie sont réunies dans le même cadre. Enfin, dans le petit texte Bienvenue à Calais de Marie-Françoise Colombani, avec des dessins de Damien Roudeau, cette idée de partager des petites vignettes et des « éclats de vie » est renforcée une fois encore. Le format du texte-dessin humanise et universalise les sujets, et les petites histoires à la fin mettent en évidence la nuance et la diversité d’expériences dans la crise migratoire. Les vignettes sont un peu comme l’ensemble des photos — on ne peut pas voir trop de détailles ou des identifiants, mais on peut voir l’humanité de chacun et on ressent de l’empathie sans tomber dans le piège de la victimisation ou de l’idéalisation des sujets.
Dumser, A. (2015). Les clichés du « Rêve d’humanité » du photographe Reza. Radio France International.