L'humanisation des migrants
Donc, les œuvres étudiées ici présentent une image beaucoup plus complète des voyages faits par les migrants. Comme ils rejettent la simplification du voyage dur, long, et complexe à une seule (bien qu’hyper dangereuse) traversée, ils refusent aussi les processus de deshumanisation qui représentent les migrants comme des chiffres ou des victimes.
On a vu dans la vidéo du Telegraph les images des migrants en larmes, désespérées, et en panique. Michel Agier, dans son texte Les migrants et nous : comprendre Babel explique que cette approche peut être utilisé comme un moyen d’augmenter le soutien pour les migrants, mais dans une façon qui leurs vole leur dignité. Il écrit : « Cela suppose que l’autre souffre, et qu’on l’aborde comme une victime… Celle-ci au filtre des images qui la représentent devient un humain figé et sans voix, un humain non tout à fait accomplie (enfant) ou alors diminué (malade, souffrant) … Ce sentiment suppose l’absence et le silence de l’autre » (Agier, 15).
Les artistes réfugiés donc rejettent ce modèle de représentation et utilisent leur art pour mettre l’emphase sur l’humanité de leurs sujets, défiant le discours médiatique qui décrit les migrants soit comme des corps dans la Méditerranée soit comme des charges pour l’Europe. Ils redonnent le capacité d’action et forcent le spectateur à reconnaître les migrants comme des humains.
Dans l’image de Kawa, il peint une femme, une kurde syrienne, si les tatouages et les vêtements sont pris comme indication. Elle regarde directement le spectateur comme égal, avec un regard fort et une expression de fierté. Il y a ici toute la dignité et fortitude qu’on ne voit pas dans la vidéo du Telegraph qui ne montre que les migrants désespérés ou en larmes.
Marwan, dans son œuvre, présente aussi les visages de ses sujets, mais lui il concentre sur un moment familial, une mère et ses enfants, et les relations entre eux. Ils peuvent être en train d’aller au parc ou de traverser une frontière, mais ce qui est clair est que c’est un moment intime, une scène qu’on connaît tous et où on peut se voir avec nos familles.
Studio Kawakeb et MSF, par contre, ont choisi de ne montrent aucun visage dans leur vidéo. Mais ça n’est pas comme dans le média pour manque d’intérêt dans les individus. Dans « Sorry I Drowned » les individus sont montrés tous avec des vêtements, cheveux, et âges différents ; leur décision venait donc plutôt d’un désir de commenter sur l’anonymat des migrants et d’exprimer l’universalité de cette histoire racontée dans la lettre. Mais quand même, bien qu’ils effacent les figures, les images des sujets leurs présentent clairement comme des humains et non pas seulement des migrants. Dans cette image de la vidéo par exemple, on voit trois femmes, une probablement la mère, bavardant sous deux verres de thé. Encore c’est un moment à la fois intime, domestique, et universel que la plupart des gens, refugié ou pas, peuvent lui rapporter. Le signe du parking aussi ; bien qu’il soit écrit en arabe et taché des trous de balle, il est aussi immédiatement reconnaissable. Ceci retourne à l’inclusion de sa vie avant dans la vidéo de Kawa et le manque d’inclusion d’aucune autre information sur l’homme—ou plutôt le « migrant »--dans le Telegraph.
Les artistes ont donc créé des images de migrants qui ne représentent pas ce qui les marque comme déplacés, mais plutôt les marques de leur humanité.
Par contre, ceci n’est pas du tout à dire qu’ils évitent de présenter les migrants comme des migrants—parce que c’est ça au cœur de l’histoire. Mais ils ne présentent pas l’identité du migrant comme la seule qu’ils ont, et même dans leur identité de migrant, ils ne sont pas montrés comme des victimes passives. Au lieu de tomber dans le cliché du « pauvre migrant » qui pleure à la frontière, un cliché reprise partout dans les media européens, les artistes présentent les migrants dans leur migration comme des individus actifs qui ont lutté, souffert, et persévéré d’une manière héroïque.
Cette idée des déplacées comme des héros était bien articulé par Mohamed Choukri dans un essaie titré « Racines et immigration ». Il décrit des migrants comme des « Ulysse modernes » et utilise Ulysse, « ce héros » qui a sauvé Ithaque comme modèle de comprendre les luttes, les aventures et les « épreuves » des migrants (Choukri, 84-85).
Les artistes ne font pas des références à littérature, mais ils utilisent aussi le patrimoine culturel de l’Occident pour encadrer la discussion des migrants. Il y a dans la première image de Kawa, par exemple, une similitude avec le célèbre tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple, avec un figure central d’une femme au milieu d’une foule chaotique, sauf qu’elle ne tient pas un drapeau, mais plutôt un poids énorme, le symbole du migrant. La capture d’écran du film de MSF aussi a un fort parallèle avec Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, qui représente un naufrage horrifique aux côtes de la Mauritanie, largement blâmé sur la corruption de l’état français. Ceci sont deux grandes œuvres romantiques qui pro