Le commentaire politique
Ce parallèle avec des œuvres politiques mène au prochain aspect du récit des migrants. D’abord il faut comprendre que le récit européen est politique aussi. Mais tandis qu’ils se concentrent sur l’impact sur l’Europe et les difficultés du processus de l’asile, les migrants par contre présent l’hypocrisie de l’Europe, leur abandon par la communauté internationale et arabe, et contestent aussi ce récit médiatique qui les ignorent.
Dans les deux dessins de Kawa, on voit clairement le fossé entre le rêve et la réalité de l’Europe qu’ils vivent comme une prison.
Dans l’image à gauche on voit l’Europe que les migrants abordent ; les enfants jouent, il y a une colombe, le symbole de la paix, Kawa a dessiné une école et un hôpital et écrit « human rights » et « freedom ». Il a mis un chevalet pour symboliser la liberté de faire de l’art, une clé à molette pour le droit de travail, et un livre pour l’opportunité de l’éducation. Choukri décrit la Méditerranée pour les migrants comme « une mer, un périple, un rêve initial, l’espace de l’humanisme, le creuset des civilisations » (Choukri, 87). Presque deux décennies plus tarde, cette image de l’Europe n’a presque pas changé. Dans son image, Kawa évoque cette conception de l’Europe et explique que à cause d’elle—d’un image que l’Europe elle-même épouse et promeut—que les migrants ont fuit là-bas. La Syrie était détruite, les autres pays arabes ne les voulaient pas, et donc ils ont décidé de tout quitter pour la promesse de l’Europe.
Le dessin suivant montre ce qu’ils ont trouvé en revanche ; les passagers du bateau sourient, joyeux d’être enfin arrivés au but de leur chemin long et dangereux. Mais c’est l’officiel de l’état qui les « accueille », et ils vont directement du bateau au camp, imaginé ici comme une cage. « Sorry I Drowned » touche sur quelques mêmes thèmes : elle dit « Don’t worry O department of asylum and refugees, I will not be a burden » et plus tard « Thank you O big blue sea for welcoming us without a visa or passport. Thank you fish, for sharing my flesh without asking about my origins or my religion or my political affiliation », dans les deux cas des références au système d’asile européen qui ont laissé les individus comme Kawa et Marwan échoués dans les limbes pour plus qu’un an, dans les camps dessinés par Kawa.
En plus de l’Europe, les pays arabes, et la communauté internationale (symbolisé par l’UNHCR), ces œuvres critiquent aussi la presse et ses récits déshumanisants sur les migrants. Dans la fin de « Sorry I Drowned » on voit une autre fois la scène des immeubles détruits sur la mer, mais cette fois par un écran de portable, de la perspective de la personne dont les mains tiennent l’appareil. On entend, « Thank you, news channels for broadcasting this breaking news of our deaths for five minutes every hour for two full days. Thank you for being sad when you hear the news ». La vidéo fait un zoom en arrière, on voit cet écran de portable en train d’enregistrer la scène (indiquer par le point rouge), ses contenus regardés sur un autre écran de portable. La vidéo termine avec une vue de l’écran et les mains qui le tiennent, toujours de la perspective de l’individu qui regarde l’écran. Cette vidéo qu’on regarde aussi sur un écran avec le placement de la « camera » du point de vue de l’individu, force le spectateur à affronter son rôle dans l’histoire. C’est un commentaire sur la façon dont on consomme les histoires des migrants, et en particulier leurs morts.
Les images de Merwan ne cachent rien de son dédain pour la presse ; Les journalistes sont clairement représentés comme le diable, une force qui tue, ses appareils comme des pistolets, et son adoration pour la trauma et souffrances des autres (des enfants) complètement sinistre.