Déclaration commune des ministres de l'intérieur français et britannique portant sur la cooperation entre la France et le Royaume-Uni.
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Bien avant qu’un mur ou une barrière puisse empêcher, protéger, ou symboliser quoi qu’il soit, il doit être imaginé, conceptualisé et mis en oeuvre. Les murs ne surgissent pas de nul part. Dans notre société bureaucratique, il y a tout un processus dernier chaque étape. Afin d'examiner comment les murs construits impactent notre société et comment ils sont imaginés par notre société, nous devons d’abord nous pencher sur l’imagination des murs non-construits.
L'objet est un communiqué portant sur un accord entre la France et le Royaume-Uni signé en août 2015 suite à la crise migratoire qui avait lieu à Calais et au site de l’eurotunnel. Cet été milliers de migrants de souche africain, arabe, et afghan ont essayé de traverser la Manche par l’eurotunnel. Les enjeux principaux étaient le flux de migrants clandestins en angleterre, le camp de migrants à la marge de la ville de Calais et les tentatives hautement dangereuses des migrants de monter aux camions. La crise a suscité la polémique sur les deux rives de la Manche, forçant les politiques à agir. Le home secretary britannique Theresa May et le ministre de l’intérieur français Bernard Cazeneuve se sont réunis à Calais pour négocier et puis signer cet accord.
Un document gouvernementale est aussi une forme littérature. Ce communiqué a certainement un argument à transmettre: que les deux gouvernements s’occupent du problème à l’eurotunnel et que ce problème sera bientôt réglé. Dans ce cas-ci les points clefs que l’on analysera sont le public visé et le champs lexical. Bien que les ministres se dise vouloir aider et protéger les migrants dans le communiqué, les principales politiques proposées sont des barrières et dispositifs de surveillance qui pourraient empêcher ou dissuader les migrants de leurs tentatives de passage. Aucune solution dans le traité ne plairaient aux migrants et la plupart rendraient leurs vies plus difficiles. Malgré le fait que ce soit les migrants qui sont au centre de la crise, c’est les citoyens de la France et le Royaume-Uni que le résumé cible. Après l’introduction, les points principaux sont la garantie de sécurité dans l’eurotunnel, la coopération entre les forces de l’ordre françaises et britanniques, et la prise en charge des migrants. Même le dernier point vise principalement à cloisonner, ou mettre dans une sorte de quarantaine, les migrants. Ce document ne parle pas aux migrants de leur propre sort car les migrants n’ont pas aucune influence sur l’état ou ils se trouvent. Ils ne peuvent pas voter. La construction d’un mur aura un grand impact sur les vies des migrants, mais elle est faite pour les citoyens qui probablement ne rencontreront jamais ses effets.
Le champs lexicale nous dit beaucoup à propos de l’égard des gouvernements sur la crise migratoire à Calais. Dans le communiqué, on parle des migrants de manière très détaché comme s’ils ne sont que des chiffres, des phenomena. Nous y voyons un langage économique et bureaucratique. Par exemple le document parle « ...des mesures pour rendre moins attractive la perspective d'une immigration illégale… » au lieu de « mesures pour empêcher l’immigration illégale » dont « des dispositifs de retour effectifs » au lieu de explusion. Nous pouvons imaginer le fonctionnaire au fond de la Place Beauvau qui a mis des heures à choisir soigneusement les mots les plus anodines.
Tout document gouvernemental a tendance de répondre aux attentes des citoyens et d’employer un langage formel plein d’euphémismes. Il n’y a rien qui est à priori nuissant. Le problème est plutôt ce que la philosophe allemande Hannah Arendt a appelé « la banalité du mal » dans sa monographie du comportement d’Adolf Eichmann. Dans un gouvernement moderne, les fonctionnaires, loins des situations sur lesquelles ils tranchent, ont une grande capacité de faire du mal sans le comprendre. « Hormis une diligence extraordinaire pour son avancement personnel, [Eichmann] n’avait aucun mobile. Et cette diligence en elle-même n’était pas criminelle… il ne s'est tout simplement pas rendu compte de ce qu'il faisait… C’était purement une manque de considération… qui l’a prédisposé à devenir un des criminels les plus écoeurants de cette période-là. » a-t-elle écrit [1]. C’est à dire que le mal peut se dissimuler parmi les euphémismes d’un document bureaucratique comme celui-ci.
1. Arendt, Hannah. Eichmann in Jerusalem: A Report on the Banality of Evil. New York City: Penguin Classics. 2006. (Traduction de l’auteur).
Le Home Office (Royaume-Uni), Le ministère de l'Intérieur (France)
Le ministère de l'Intérieur (France)
20 Août 2015
Document
FR
Déclaration gouvernementale
Calais, France; Royaume-Uni; l'Eurotunnel; Coquelles, France; La Manche; Le Jungle, Pas-de-Calais
Más de 70 inmigrantes se encaraman a la valla tras intentarlo casi 1.000
Migration clandestine, migrants, crise migratoire, barrière frontalière, Ceuta, Espagne, Maroc
L’objectif déclaré d’un mur est d'empêcher les gens de passer une frontière, mais partout où l’on construit un mur, de Berlin à San Diego, il y aura des gens qui essayent de les surmonter. Ces dernières années cette drame particulière a lieu chaque jour et chaque nuit à la barrière érigée par l’espagne sur sa frontière avec le Maroc aux enclaves de Melilla et Ceuta. Pendant une seule journée en Janvier 2017 par exemple environ 1000 migrants africains ont tenté de surmonter cette barrière sans succès sauf deux qui ont gagné l’espagne grièvement blessés, comme on peut voir dans le premier objet, une vidéo tournée par une équipe de télévision locale à Ceuta.
Le deuxième objet nous montre de quoi il s’agit cette barrière. Commençant du côté marocaine il y a d’abord des radars capable de détecter quelqu’un à 2 kilomètres, trois rangées des piquets, puis une première clôture avec des diffuseurs de gaz lacrymogène, puis une deuxième clôture armée des projecteurs, puis des patrouilles, et enfin des tours de guet. L’espace entre la portée des radars et les tours de guet est certainement un des « états d’exception » définis par le philosophe Giorgio Agamben comme des zones où aucune loi ne s’applique où elles sont suspendues en permanence. Cette zone construite par le gouvernement espagnol est l’extrême d’un état d’exception vu que la vie humaine est interdite dans cette zone. La bande de la frontière est probablement le lieu le plus surveillé, filmé et documenté dans toute l’Europe, il n’y a aucun droit à la vie privée. Si quelqu’un se blesse dans cette zone, même à cause des dispositifs montés par l’état, ils n’ont pas droit à l’aide ni aux recours en justice. On y est en dehors de la loi.
En outre, la barrière et la bande frontalière soulèvent deux concepts de Michel Foucault, le panoptisme et la hétérotopie. Le panoptisme est un système de contrôle dans lequel beaucoup des individus sont surveillés de loin par un seul gardien anonyme. Le fait que ce gardien soit anonyme est un « Dispositif important, selon Foucault, car il automatise et désindividualise le pouvoir… Il y a une machinerie qui assure la dissymétrie, le déséquilibre, la différence. Peu importe, par conséquent, qui exerce le pouvoir. Un individu quelconque, presque pris au hasard, peut faire fonctionner la machine » [1]. Donc on peut qualifier cette zone frontière comme un lieu où l’état est quasiment tout puissant et anonyme. En plus, on peut interpréter la frontière fortifiée comme une « hétérotopie. » Elle est une espace à part et une espace qui « juxtapos[e] en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont eux-mêmes incompatibles » [2]. Sur une frontière, on est à la fois dans deux pays ou l’on n’est dans l’un ni l’autre. Entre les clôtures de Ceuta et Melilla on est aussi coupé du temps, rien n’y change pas et ceux qui tentent la traversée s’engagent dans une tâche sisyphe comme montré par la vidéo. Un jeune homme parvient à surmonter la première clôture, mais dès qu’il arrive au sol un agent de sécurité est là, et quelques minutes plus tard un policier le fait passer à l’autre côté de barrière. Le migrant se retrouve où il avait commencé. Finalement, une frontière a une fonction et « un système d’ouverture et de fermeture qui, à la fois, les isole et les rend pénétrables. » [3].
1. Foucault, Michel. Surveiller et punir: La naissance de la prison. Paris: Gallimard. 1975. Pp. 204-5.
2. Foucault, Michel. Dits et écrits 1984. “Des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967).” Dans Architecture, Mouvement, Continuité, n. 5. Octobre 1984. Pp. 46-9.
3. Ibid.
FaroTV Ceuta<br />published via YouTube.com
http://youtu.be/hVZnVBwBON0
01 Janvier 2017
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Vidéo
ES
Vidéo faite pour un journal télévisé
Ceuta, Espagne; Maroc; Frontière entre l'Espagne et le Maroc
Fille aux Ballons
Murs
La plupart des tentatives de franchir le mur à Ceuta et à Melilla se soldent par un échec. Y a-t-il d’autres moyens de franchir un mur, d’y échapper. Une voie pourrait être l’art. Le célèbre graffeur anglais Banksy y croit. Il est arrivé en Cisjordanie pour la première fois en Décembre 2005 avec le but d’attirer l’attention du monde sur la présence israélienne dont le mur de séparation érigé à partir de 2002. Son style est tout particulier. Normalement il prend une image cliché et transforme un aspect de cette image pour transformer complètement le sens. Après son premier séjour en Cisjordanie, l’artiste y est retourné plusieurs fois, notamment en 2006 quand il a fait son très connu « La fille aux ballons » sur un tronçon du mur à Bethléem. La fille tient un groupe de ballons à la main et flotte vers le ciel. Tout fait en noir l’image apparaît comme s’elle était une silhouette d’une vraie fille en train de passer au-dessus le mur. Le symbolisme est très fort, c’est le rêve de fuite qui est hors de portée pour tant de Palestiniens. On imagine que Bansky ait voulu donner un lueur d'espoir aux Palestiniens coincés derrière ce mur de séparation que la liberté est possible.
Nous pouvons faire le lien entre l’oeuvre de Banksy et le livre Cannibales de Mahi Binebine. Le livre s’agit de deux cousins, Azzouz et Réda, qui tentent la traversée entre le Maroc et l’Espagne, mais à la fin du livre ils manquent le bateau. Plus tard on apprend que le bateau a coulé et tous les passagers sont morts. Pour Binebine échapper et migrer ne veut pas toujours dire une fuite physique, cela peut être une fuite virtuelle. Dans Cannibales, cette fuite virtuelle s’agit de l’éducation qui donne à Azzouz l'opportunité de s'épanouir sans migrer. On peut constater un autre exemple du livre Le Pain Nu de Mohamed Choukri où le personnage principal Mohammed, après une enfance et une adolescence passées dans le pauvreté et la crime, parvient à surmonter ces défis grâce à une éducation informelle. Bien sûr nous ne disons pas que l’art de Banksy et une éducation sont des équivalents, seulement que les deux peuvent être deux pistes d’échapper même partiellement à une réalité cruelle lorsqu’une traversée d’un mur est impossible. Tout comme l’éducation les oeuvres de Bansky permettre les gens de passer de l’autre côté du mur dans leurs imaginations.
"Monsieur Cana"
Banksy
Wikimedia Commons
2006 (Création), 2008 (Prise de la photo)
Creative Commons
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Photo
poste de contrôle frontalière à Qalandia, Cisjordanie
Les enceintes frontalières de Ceuta et Melilla
barrière frontalière, Ceuta, Melilla, Espagne, Maroc, migration clandestine
Objet 3 (Voir la vidéo)
El País
CERISCOPE
Sciences Po
2015-2017
Sciences Po (Traduction)
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FR
Schéma
Ceuta, Espagne; Melilla, Espagne